samedi 27 août 2011

Les Chroniques du Chien Errant

Nous recevons occasionnellement des courriels qui comportent des récits accompagnés de photos de la part de personnes qui vivent en compagnie de chiens nordiques errants ou négligés. Parmi ceux-ci se cachent parfois de véritables perles.

Dernièrement, nous avons fait la rencontre virtuelle mais tout de même très chaleureuse de Sally Lambert. Cette blogueuse habite présentement Kuujjuaq. Nous lui cédons le clavier en toute confiance pour ce qui pourrait devenir coutume.


Les Choroniques du Chien Errant,
G R O S S E - F I L L E

La première fois que je la vis, je lui trouvai un drôle d'air.  Issue de je ne sais quels croisements,  elle a une tête qui n'inspire pas trop confiance.

Puis, un jour, je l'aperçus par ma fenêtre traversant la rue à toute vitesse pour aller saluer une voisine qui revenait chez elle.  Même de loin, sa joie était évidente.  C'est là que je compris que je l'avais mal jugée et qu'elle gagnait à être connue.

C'est un peu plus tard, au printemps, que nous fîmes vraiment connaissance.  Je sortais de chez moi lorsque je l'aperçus qui déambulait sur mon terrain en compagnie de sa progéniture.  Pour la première fois, elle sembla me remarquer et elle me fixa un moment avant de s'approcher pour se présenter, ses deux chiots craintifs restant loin derrière.

À compter de ce moment, celle que j'avais baptisée Grosse-Fille était devenue une amie.  Elle venait me visiter parfois plusieurs jours de suite, d'autres fois de façon espacée et toujours avec un rejeton sur ses talons.   J'accueillais leurs visites avec bonheur et chaque fois je les invitais à casser la croute, ce qu'elles ne refusaient jamais.  Quant au deuxième chiot, il disparut subitement en juin.

La semaine dernière, après une absence qui me fit craindre le pire, Grosse-Fille apparut sur mon palier pendant que son chiot attendait de l'autre côté de la rue, visiblement en mauvaise posture.  Après avoir rassuré la mère, je franchis les quelques mètres qui me séparaient de la petite et je la trouvai attachée à un pilotis de la maison d'en face, presque étranglée par un lien qu'on lui avait passé au cou.    À côté, par terre, gisait une chaîne cassée.

Je coupai la corde et la petite vint rejoindre sa mère qui m'attendait à ma porte.  C'est là que je remarquai que quelque chose n'allait pas.  Grosse-Fille  avait un air étrange.  Elle me laissa l'examiner et je découvris avec stupeur qu'elle semblait avoir été frappée.  De ses narines suintait un peu de sang et sa gueule était enflée. La tête basse, elle avait le regard éteint et elle semblait épuisée.

Mon amie Grosse-Fille et son chiot Tomette n'ont pas la vie facile.  Négligées par leur propriétaire qui habite au coin de ma rue, elles ne mangent pas toujours à leur faim.  L'hiver dernier, alors que la maman était grosse des bébés qu'elle portait et que le thermomètre s'était mis à descendre, une voisine lui avait  aménagé un abri sous sa maison.  Lorsqu'il dégringola à -50C, elle ajouta un coussin chauffant afin que Grosse-Fille puisse survivre à cette vague de grand froid.

Comme moi, cette voisine nourrit Grosse-Fille et Tomette.  Comme moi, elle s'inquiète de l'avenir de la maman et de la fille.   Nous savons que la vie qui  attend les chiennes nordiques est faite de grossesses répétées, de chiots abattus, d'indifférence, de faim non assouvie et même de coups.  Nous savons aussi qu'il faut être extrêmement prudent lorsqu'il s'agit des chiens qui appartiennent aux locaux et que nos actions doivent être discrètes, se limitant souvent à apaiser la faim du corps. 


Heureusement, il y a les initiatives comme celles de Chiots Nordiques.  Grâce aux fondateurs et à leurs collaborateurs, il y a espoir qu'un jour les choses changent pour toutes les Tomette et  les Grosse-Fille du Nord.

Sally Lambert

Kuujjuaq, 26 août 2011  




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